Quand l'amour s'emmêle 

 

   Sur la table de la cuisine, juste quelques mots griffonnés  à la va vite au dos d'une enveloppe «  Je pars, besoin de me retrouver pour faire le point sur ma vie, je vous donnerai des nouvelles, prenez soin de vous, je vous aime. Julie   »

 

        Cela faisait trois jours que sa famille était maintenant  sans nouvelles d’elle et l’inquiétude montait ! Et si il lui était arrivé quelque chose, si elle avait fait une mauvaise rencontre pensaient-ils  sans oser réellement l’exprimer puis, cherchant à se rassurer, chacun  tentait de banaliser ce départ  précipité !  Encore une crise existentielle de maman  lançait  Jonathan   avec son humour habituel même si le ton cette fois  trahissait quelque peu  son désarroi ! La crise de la soixantaine renchérissait le fils aîné, maman à toujours eu du mal à vieillir  et puis  la perte de son emploi l’a  beaucoup affectée ! De toutes  façons  finalisait son mari cherchant à se convaincre, elle n’a rien emporté si ce n’est son sac à dos  ! En moins  de temps qu’il ne faut pour  le dire elle sera de retour à la maison !

 

      Emma, perdue dans ses pensées  s’était elle  isolée sous la pergola, endroit  dans lequel sa mère aimait particulièrement se retrouver pour lire  ou  se promener comme elle disait, dans son jardin secret. Scotchée sur son ordinateur se coupant volontairement du reste du monde, elle restait parfois des heures entières à écrire, elle ne savait trop quoi ! Elle lui connaissait cette appétence de l’écriture, avait lu d’un œil distrait sans s’y intéresser vraiment les contes qu’elle écrivait pour les gosses de son boulot  ou  quelques poèmes  de sa confection mais que savait –elle vraiment de sa mère !

 

     Il y avait  maintenant plus de huit ans qu’elle avait non sans peine quitté le cocon familial pour prendre son envol !  Tiraillée entre  son petit ami et  sa mère dans des rapports  alors très conflictuels, elle avait du trancher dans le vif  et  rompre cette relation fusionnelle qui de plus en plus l’étouffait. Elle se souvient alors de ce fameux jour où elle avait  pris sa décision. Sa mère n’avait pas bronché et s’était contentée de lui dire «  c’est ta vie, ton choix même si je ne  le partage pas . Je suis convaincue que tu commets une erreur! Quoi qu’il arrive , n’oublie pas  que nous serons toujours là pour toi et qu’à tout moment tu pourras revenir !

 

    Les propos de sa mère même quand ils se voulaient réconfortants avaient toujours eu, elle ne savait pas pourquoi, le don de l’agacer, de la transpercer! Elle avait le sentiment qu’elle s’insurgeait à chaque fois au plus profond de son âme, qu’elle arbitrait sa vie en la dépossédant de ses réflexions les plus secrètes! Toujours omnipotente, omniprésente, elle était le maillon fort de la famille ce qui mettait un peu plus à jour les faiblesses de chacun et la rendait par le fait même encore plus insupportable

Chapitre 1

 

   Catherine, une collègue proche de Julie, était sans doute la seule à ne pas être totalement surprise de son départ. La dernière fois qu’elle l’avait vu elle l’avait trouvée triste,  taciturne, vidée de toute énergie. Elles avaient parlé boulot,  des collègues, des vacances à venir et au cours de leur conversation ses émotions l’avaient soudain submergée. « Les gamins me manquent et je ressens un grand vide dont je ne sais que faire » avait elle lâchée d’une voix blanche puis au milieu de sanglots qu’elle ne pouvait désormais plus contenir avait rajouté  « Je n’arrive plus à donner sens à ma vie, ne sais plus pourquoi, ni pour qui je me lève le matin! Je ne me sens inutile, plus à ma place nulle part! Trop de souffrance, de chagrins, de désillusions, un jour avait –elle poursuivi  en soupirant je partirai sans me retourner et fermerai définitivement la porte ».  

 

       Son mari  l’avait regardé avec plein de tendresse et  de compassion, ému lui aussi jusqu’aux larmes! Il ne semblait pas surpris mais  plutôt perdu et démuni «  Ne dis pas ça Julie, il y a moi, les enfants, les petits enfants et on t’aime, on a tous besoin de toi ! »

 

       En l’entendant Julie s’était ressaisie sur le champ et avait fondu  en excuses «  Pardon, je suis désolée, c’est juste  un petit passage à vide que je n’ai pas contrôlé, ça passera  puis, s’adressant plus particulièrement à moi «  je regrette que tu es assistée à cela, je n’ai rien vu venir! Tu sais comment je fonctionne! Je garde, je garde et puis ça part en live! Ah c’est bien moi ça!  »

 

       Oui, c’était bien elle ! Entière, excessive, exigeante avec elle-même mais aussi avec les autres, maladroite dans sa manière de dire ce qui la rendait parfois imbuvable! Elle avait cette sensibilité à fleur de peau qui l’emmenait irrémédiablement là où elle ne voulait pourtant pas aller! Julie était cet amalgame de choses contradictoires, à moitié ange et démon ou poivre et sel comme elle disait préférant l’expression !

 

     Leur relation au départ n’avait pas été simple! Son franc parlé au niveau professionnel était abrupte, ses critiques cinglantes et percutantes même quand elle essayait d’y mettre les formes! «  Catherine, lui avait –elle dit un jour d’un ton sec et sans appel, tu es collée à Marianne et à vous "bisouter"  toute la sainte journée vous n’êtes ni l’une ni l’autre disponible à ce qui se passe en activité! C’est pénible! Comment veux tu qu’elle grandisse si tu vas à l’encontre de ce qui a été décidé pour elle! Et puis avait –elle poursuivi excédée, ce n’est pas  faute de te l’avoir déjà dit, c’est agaçant à la fin !

 

    Son laïus terminé Catherine l'avait sentie aussitôt désemparée, emprunte de regrets, comme si une fois de plus elle s’en voulait de s’être ainsi emportée mais ce jour là, elle n'entendait pas se laisser malmener de la sorte, sans répliquer!

 

  « Tu m’emmerdes  avec tes remarques désobligeantes,  pour qui te prends-tu à la fin! Tu n’as pas d’ordre à me donner et je n’ai pas envie de discuter avec toi, alors basta!"

 

 

  C'est vrai qu'elle n'avait sans doute pas tout à fait tort et ce n'était pas la première fois qu'on lui faisait des observations sur ce sujet mais cela ne l'autorisait pas à lui parler de la sorte!

 

   Le temps de la digestion avait cette fois pris quelques jours durant lesquels Catherine se rappelle avoir volontairement  évité tout contact et tentative d’explication avec Julie! Puis la période d'assimilation digestive passée  elles s'était retrouvées un soir autour d'un café et s'étaient toutes deux expliquées!

 

   « Ce qui est détestable avec toi et m’irrite le plus, au-delà de la manière décapante que tu as de dire les choses, commença  Catherine, c’est ton professionnalisme ! Tu te montres toujours irréprochable dans ton boulot et tu as le don d’appuyer bien évidemment là où ça fait  mal  en mettant  les gens face à leur incohérence ! »

 

«  Ne crois pas cela avait rétorquée Julie  d’une  voix à demi étranglée, Je suis au contraire pleine de doutes, d’incertitudes et me remets constamment en question ! Je suis entière, perfectionniste c’est vrai, passionnée sans aucun doute, mais  surtout  prisonnière de moi, de mes émotions que je ne sais pas gérer malgré tous les efforts que je fais ! Chasser le naturel et hélas il revient au galop avait -elle dit  en riant ! Tu vois, il n’y a pas de quoi être fière, tout ça est loin d’être professionnel !

 

     Ce jour là, Catherine  avait pris conscience de la vulnérabilité de Julie et se souvient que sa perception dès lors avait  changé ! Au fil du temps, elles avaient appris à mieux se connaître, à composer avec ce qu'elles étaient l'une et l'autre, à s'apprécier aussi!  Julie fit par la suite des efforts quant à  sa manière de  dire les choses, ce qui  n’empêcha pas les coups de gueule, les discussions animées, les divergences de point de vue mais changea profondément le regard empreint de respect qu'elles avaient  à présent l'une sur l'autre!

 

   " Ma liberté, lui avait un jour confié Julie, c'est de dire exactement ce que je pense au risque d'avoir quelques coups de bâtons en retour! De me regarder le matin dans la glace en étant en accord avec l'image qu'il me renvoie même si je sais que je ne me ferai pas que des amis! Cela n'excuse pas ma manière de dire mais il est aussi de la liberté de chacun de pouvoir comme tu l'as fait, me dire stop, je n'accepte pas! Ne dit-on pas que : " La liberté des uns  s'arrête là où commence celle des autres! " C'est aussi simple que cela!

 

   Dis comme ça, elle avait une fois de plus raison Julie mais cette fois Catherine le lui accordait volontiers. C'était d'une évidence presque simpliste à tel point qu'on pouvait se demander comment  les rapports humains pouvaient être si compliqués!

 

Là encore Julie du lire dans ses pensées!

 

" L'appât du pouvoir, du gain,  Catherine! La domination sur l'autre, voila ce qui fait que ces concepts simples ne s'inscrivent pas chez tous comme une évidence! Tout ça ne m'intéresse pas! La reconnaissance et le respect, oui, le reste va à l'encontre de ce que je pense, de ce que je suis! Une grande idéaliste déconnectée!

 

   Le départ de Julie, s'inscrivait bien dans cette ligne de pensée, dans cette  logique à elle, elle en était persuadée! Elle n'était pas dans sa tête, ne savait pas si elle reviendrait ou pas, ni où elle était allée!  L'acte qu'elle posait c'était une certitude, n'était pas anodin ce qui lui faisait craindre le pire!

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